Les défis de l’EIT

Voici l’article qui est paru dans le Dossier de Presse des prochaines Rencontres Francophones de l’Ecologie Industrielle et Territoriale qui auront lieu les 7 et 8 octobre prochain. Bonne lecture!

L’écologie industrielle est à un moment charnière de son développement. Elle n’a jamais été aussi nécessaire, n’a jamais été aussi encouragée et pourtant, ces démarches doivent maintenant et incontestablement, faire la preuve de ce qu’elles promettent aux territoires.

La nécessité des démarches d’écologie industrielle et territoriale

L’impératif d’une gestion optimale des ressources s’est renforcé depuis les prémices, il y a une dizaine d’année des démarches d’écologie industrielle et territoriale (EIT). Les gisements n’ont pas augmenté mais la consommation de ressources, elle, oui. Malgré les progrès technologiques qui ont permis d’améliorer l’efficacité de certains procédés industriels, malgré les avancées en terme d’éco-conception des matériaux, produits et services, malgré une pédagogie croissante sur la nécessité de consommer de manière raisonnée, l’OCDE[1] estime qu’en 25 ans, les ressources extraites à l’échelle mondiale ont augmenté de 65%. La Commission européenne a de son côté réalisé une étude dont les résultats, en 2010, faisaient état de 14 matières premières stratégiques pour l’industrie européenne. Stratégiques parce qu’indispensables au développement de certaines filières industrielles mais stratégiques également parce que nous n’en disposons pas sur le sol européen. Une Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources[2] a d’ailleurs été mise en place en 2011 et mentionne avec ambition que :

« La vision : d’ici à 2050, l’économie de l’UE aura connu une croissance respectueuse des ressources naturelles et des limites de notre planète, contribuant ainsi à une transformation globale de l’économie. Notre économie sera concurrentielle et inclusive et offrira un niveau de vie élevé tout en ayant réduit fortement les incidences sur l’environnement. Toutes les ressources seront gérées de façon durable, des matières premières à l’énergie en passant par l’eau, l’air, les terres et le sol. Toutes les échéances auront été respectées en matière de changement climatique, tandis que la biodiversité et les services écosystémiques qu’elle sous-tend auront été protégés, valorisés et considérablement restaurés. »

Les enjeux sont posés et la France ne peut faire bande à part sur la question tant ses approvisionnements en matières premières sont fragiles. Comme le souligne une récente étude de l’IAU[3] Ile de France, « 68% des ressources nécessaires au fonctionnement de l’économie (française, ndlr), sont non renouvelables et s’échangent sur un marché de plus en plus concurrentiel à l’échelle mondiale ». Pour le dire autrement, bien que le gâteau soit de plus en plus petit (épuisement avéré des ressources), nous ne sommes pas moins nombreux (développement de nouvelles économies à l’échelle planétaire) ni moins voraces (sur-consommation des économies développées) pour le partager. Ce constat commence à être intégré et notamment par les acteurs du monde économiques qui comprennent chaque jour un peu plus que parler de compétitivité, sans intégrer ces enjeux d’accès et de gestion des ressources, n’a aucun sens. Nicolas Hulot le soulignait lors des Assises Nationales de l’Economie Circulaire du 17 juin dernier, « La rareté se pilote, la pénurie se subit ». En effet.

Ainsi et bien qu’il n’y ait pas de quoi s’en réjouir, le contexte est de plus en plus favorable aux synergies et aux coopérations inter-organisationnelles encouragées par l’EIT.

Un intérêt pour le sujet qui se confirme…

Les acteurs publics comme les acteurs privés comprennent de plus en plus que l’EIT peut apporter des éléments de réponse opérationnelle à ces enjeux. En effet, les démarches, études et programmes ou projet de recherche dédiés au sujet se développent[4]. La prochaine Conférence Interdisciplinaire sur L’Ecologie Industrielle et Territoriale[5] (COLEIT) qui aura lieu à Troyes en octobre prochain l’illustre parfaitement. De niveaux d’avancement et de maturité variables, l’association Orée recense toute de même plus d’une quarantaine d’initiatives en France ! Autre indicateur : en 2012 et sous l’égide du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), un Comité d’Animation Territoire durable et Ecologie Industrielle (CATEI) a été constitué et associe une pluralité d’acteurs. Il a notamment pour objectif de développer des outils et de co-construire une stratégie nationale d’écologie industrielle. Un guide en ligne[6] a d’ailleurs été réalisé pour encourager et faciliter le déploiement des démarches d’écologie industrielle sur les territoires.

Zones d’activités, zones industrialo-portuaires, territoires ruraux et autres zones industrielles, se dotent de services mutualisés de façon de plus en plus systématique. Peu à peu, se distille l’idée que l’union fait la force – et la performance ! – en particulier sur les zones à fortes concentrations d’activités économiques. Clubs d’entreprises, élus locaux ou territoriaux, techniciens, animateurs ou chargés de mission s’emparent de l’écologie industrielle pour apporter performance et compétitivité à leurs territoires.

Sans parler des formations qui elles aussi, initiales ou continues, se multiplient. Des bans de l’Université aux écoles d’ingénieurs en passant par les écoles de commerce et les cours en ligne (ou « MOOC »), comprendre les enjeux de l’EIT, se former à ses différentes méthodes de mise en œuvre et à ses outils n’est plus si rare. Le Pôle éco-industries de Poitou-Charentes lance dans ce cadre une nouvelle formation dédiée à l’animation territoriale des démarches d’EIT.

…mais une impérative diversification

Avec la multiplication des initiatives, les méthodes de mise en œuvre de l’EIT évoluent. Ou plutôt, avec la multiplication des retours d’expérience dont nous disposons, ces méthodes doivent évoluer. Si la connaissance des flux physiques d’un territoire, quel qu’il soit, est indispensable pour en améliorer la gestion, elle n’est cependant pas suffisante pour le déploiement d’une dynamique d’écologie industrielle. L’animation territoriale, la mise en relation des acteurs, la mise à disposition de facilitateurs/traducteurs pour accompagner l’identification et la mise en œuvre de synergies sont des éléments tout aussi importants à prendre en compte et à soutenir. La formation du Pôle éco-industries mentionnée plus haut le souligne mais pas seulement.

Le Programme régional d’EIT déployé en Rhône-Alpes – pour ne mentionner que lui – souligne en effet l’importance de l’animation territoriale : l’étude de flux doit s’inscrire dans une vision et une politique de développement local ; l’acteur en charge de la démarche doit être connu, crédible et légitime ; il est indispensable de prévoir des moments de rencontres et d’échanges entre les acteurs économiques car la confiance, nécessaire, ne se décrète pas ; il ne faut pas hésiter à « débuter petit[7] » pour donner à voir les résultats d’une telle approche et agréger ensuite d’autres acteurs et d’autres actions, plus ambitieuses. Le prérequis à la mise en œuvre de synergies inter-entreprises est alors moins l’étude exhaustive des flux du territoire – souvent réalisée jusqu’à maintenant – que l’identification d’un besoin partagé et la réponse à celui-ci.

Les nouvelles technologies notamment numériques, donnent le jour à des outils en ligne qui visent à faciliter cette mise en relation d’acteurs économiques. Géo-localisée comme la plateforme « ECOCIR 13[8] » ou équipée d’une monnaie d’échange dédiée comme sur la plateforme « E-BARTER[9] », la convergence des intérêts est ainsi facilitée. Avec ces outils, l’écologie industrielle et territoriale, la mise en relation d’acteurs, l’échange de matières, de produits, de services, etc. titille le champ de l’économie collaborative.

 

L’EIT doit encore convaincre et faire la preuve de sa pertinence. Pour l’y aider, nous proposons de se concentrer sur les bénéficiaires de cette dynamique puisque ce sont eux qui auront à la mettre en œuvre in fine. Ouvrir les fenêtres méthodologiques, essayer de nouveaux outils, faciliter la collaboration, autant de pistes qu’il nous faut investiguer pour relever les défis de l’écologie industrielle et territoriale. A suivre !


 

[1] OECD (2012), Sustainable Materials Management – Making Better Use of Resource. Disponible ici.

[2] Commission Européenne (2011), Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources. Disponible ici.

[3] IAU Ile de France (2013), Economie circulaire, écologie industrielle : éléments de réflexion à l’échelle de l’Ile de France. Disponible ici.

[4] Une veille dédiée à l’écologie industrielle et territoriale est disponible ici.

[5] Plus d’informations disponibles ici.

[6] CGDD (2014), Ecologie industrielle et territoriale : le guide pour agir dans les territoires. Disponible ici.

[7] Lire à ce sujet un article rédigé ici.

[8] Plus d’informations disponibles ici.

[9] Plus d’informations disponibles ici.


 

Pour télécharger le Dossier de Presse des Rencontres: RFEIT – Dossier de presse